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3 questions à Jean-Daniel Lévy,
directeur délégué de Harris Interactive
En introduction de notre évènement annuel en décembre 2023, consacré au Domicile, acteur de la transition environnementale, nous avions convié Jean-Daniel Lévy, Directeur délégué d’Harris Interative, et spécialiste de l’opinion française, à nous parler du rapport des Français à leur domicile. Il nous a décrit des Français de plus en plus attachés et investis dans leur domicile. Une tendance renforcée par la crise sanitaire, mais largement pré-existante à celle-ci. Passionnant !
- Selon le spécialiste de l’opinion que vous êtes, quel rapport les Français entretiennent-ils à leur domicile ?
Pendant longtemps, les lieux de sociabilisation privilégiés étaient extérieurs : cafés, clubs, associations… Ces processus d’intégration ont toutefois tendance à s’étioler et favorisent, en retour, l’attachement à son domicile, à son foyer, à sa famille, qui occupe une place prépondérante.
Si certains analystes ont pu être amenés à considérer la séquence du covid comme une rupture, modifiant notre rapport à notre espace de vie, ce n’est pas le cas à nos yeux si l’on en croit les enquêtes que nous menons : il s’agit davantage d’une amplification et d’une accélération de tendances antérieures.
- Sous quelle forme ?
Ainsi, par exemple, d’un investissement dans le foyer, observable dès avant la pandémie, avec un goût de plus en plus affirmé pour le bricolage, pour le jardinage – même en milieu urbain avec quelques plantes sur son balcon ou à sa fenêtre -, mais aussi pour la cuisine, la décoration, le « home staging » par exemple. Tout ceci s’inscrit dans une aspiration croissante à offrir plus de place à ce qui donne l’impression d’être maîtrisé. A cet égard, le domicile est effectivement un espace à soi, que l’on maîtrise, dans lequel domine le sentiment d’avoir le contrôle des choses en général et de sa vie en particulier.
- Ainsi, les gens ont le sentiment d’y être protégés et de s’y sentir pleinement à l’aise, pleinement eux-mêmes ?
C’est exactement cela : au milieu d’une société qui inquiète, le domicile évoque une forme de bien-être, de calme, de confort, de repos, d’apaisement. Ce qui contribue à expliquer ce chiffre, presque étonnant par l’unanimité qu’il révèle : 97% des Français sont heureux de rentrer chez eux. Les sondeurs n’ont pas l’habitude d’observer des données ou des tendances aussi massivement écrasantes.
Il est d’ailleurs étonnant de constater également l’usage qui en est fait : les gens rentrent chez eux en moyenne à 18h12 en zone rurale et à 18h43 s’ils habitent à Paris ou dans ses environs. Ils rentrent à 18h04 s’ils sont employés, à 18h41 lorsqu’ils sont cadres. Ces écarts sont très limités. Autant dire que nous vivons tous dans un fuseau horaire très cohérent, où que l’on vive et quelles que soient nos vies. On pourrait égrainer et préciser les horaires à l’envie – du dîner au coucher – on serait en peine de pouvoir illustrer l’idée de fractures profondes fondées sur des désynchronisations marquées. Même si évidemment des disparités géographiques et sociales s’observent, nos vies se ressemblent bien davantage qu’on le pense. Et le plaisir de rentrer chez soi apparaît essentiel pour tous.